Appel à Candidatures Brigade des Images 2024 : LA LETTRE

La Brigade des images recherche des films courts sur le thème de la lettre.
Lettre écrite, lettre lue, lettre à la mer, lettre alphabétique etc.
Envoyez vos courts à labrigadedesimages@gmail.com
10’ maximum (environ). Avant le 30 Janvier 2024. Projections à Paris en 2024.
http://www.brigadedesimages.com/

Call for Submissions: Brigade of Images 2024 - THE LETTER

Brigade of Images is on the lookout for short films that explore the theme of "The Letter."
Whether it's a written letter, a letter being read, a letter to the sea, or an alphabetical letter,
we want to see your creative take on it.
Please submit your short films to labrigadedesimages@gmail.com, with a maximum duration of around 10 minutes.
The deadline for submissions is January 30, 2024.
Selected films will be screened in Paris in 2024.
For more details, visit http://www.brigadedesimages.com/.


Commissariat/Curators : Fanny Lambert et Laurent Quénéhen


**********

Marseille, le 7 septembre 2023

Cher Laurent,

Ici se trouve donc doublement le lieu d’une adresse.
En réfléchissant à ton invitation à imaginer ensemble une nouvelle sélection de La Brigade des Images cette année,
je songeais à une idée qui pourrait nous rejoindre dans une correspondance entre nous, mais aussi qui ferait surgir
une « intention à l’autre ». Un endroit de l’intime, d’une relation privilégiée, d’un coin loti, préservé. Une faille
en dehors du monde, un refuge, mais qui pourtant nous le rappellerait sans cesse, le monde. Ce monde dont tout le monde
parle et au sujet duquel tant noircissent des lignes sans parfois avoir eu même le temps de l’observer.

La lettre, même graphique, induit ce recul ou cette plongée. Un espace frontalier, à la marge du reste qui viendrait déborder
ou dérober notre lien contigu à lui.

La lettre aurait ce signifié et ce signifiant dans le paysage des images et deviendrait donc ma proposition pour cette édition.
Tant celle que l’on adresse (au risque de me répéter, j’appuie) à quelqu’un, que sa présence évoquée, suspendue, son existence
sous-tendue par l’image ou sa trace dans le cadre.

Ce peut être du symbole, à la fois motif et voie, comme une lecture supplémentaire du réel, une voix off par exemple qui
viendrait se superposer aux images, à leur manifestation. Entre sémantique et logomachie, à fouiller au hasard une mise en
abîme du récit qui s’insinuerait derrière une correspondance. Je pense maintenant à celle de Flaubert, de Dominique Rollin
et Philippe Sollers, aux Lettres à Milena de Franz Kafka ou celles, intenses, lues face caméra dans les films d’Arnaud Desplechin.
Les mots qui s’effacent sous la pluie chez Marcel Broodthaers ou peuplent encore Le faiseur de film de Jean Luc Moulet.

Je laisse ici tu verras un passage signé Bernard Masson au sujet de la correspondance de Flaubert qui, je crois, pourrait être
éclairant pour notre affaire.
Peut être cette collaboration sous l’égide de la lettre entame entre nos deux pratiques, nos deux visions si elles sont « une »,
une discussion.

J’espère que cette proposition te séduira et relancera les dés.
Hâte de te lire.
Amitiés,

Fanny


**********

« Chaque lettre met en jeu un double mécanisme de perception du réel : l’expression direct d’un instant dans l’existence de l’expéditeur,
la présence indirecte et en partie imaginaire d’un destinataire défini par un nombre illimité de paramètres : le sexe, l’âge, le statut social,
l’ancienneté, la nature, l’intimité de la relation, etc. Ainsi se construit, au fil des jours et de la plume, un portrait en partie double
contenant à la fois le sujet et l’objet, le moi et l’autre, l’en-deçà et l’au-delà de l’instant qui passe. »

Charenton-Le-Pont, le 10 octobre 2023

Chère Fanny,

Je te remercie pour ta lettre à propos de notre collaboration.

La lettre est la trace de l’histoire des hommes et des femmes, c’est le premier et le dernier espoir, une supplication ou ultime révélation,
ce qui est écrit noir sur blanc n’est pas un vain mot. Ce qu’on n’ose dire de vive voix s’écrit, c’est comme tu le mentionnes un moment protégé,
intime. Les correspondances publiées sont révélations, on s'engage vers de Profundis, à l’instar d’Oscar Wilde dans sa longue lettre à son amant.
Je pensais également aux lettres de James Joyce à Nora Barnacle, personnelles et impudiques, à les écrire, à les lire ; l’oreille est le chemin du corps.

De ce que je perçois de tes recherches est un niveau d’exigence qui flirte avec les cimes, rien n’est fait ou dit par dépit, ni dans tes mots,
ni dans tes commissariats. C’est en tous cas l’impression que tu me laisses ou celle que je veux voir en toi et, de cette association à venir,
me percevant un peu plus laxiste, il me tarde d’en connaître les aboutissements. Le co-commissariat est une alliance, qui plus est puisque nous nous
connaissons et ce thème de la lettre touche à cette perception réelle et imaginaire que l’on peut avoir de son destinataire. Rien n’est plus personnel
qu’une lettre, particulièrement si c’est une lettre d’amour, elle révèle, une lettre va toujours trop loin, elle fait trembler celui ou celle qui la
reçoit, sans doute bien plus qu’au moment de sa rédaction. Les mots dits s’échappent dans l’air, mais les lettres font office de vérité, de confession,
c’est bien le sens du testament qui vient après la mort. La lettre est définitive. Hâte de voir ce que notre union amicale et professionnelle laissera
comme empreinte, les missives gravées sur les murs ne s’effacent pas avec le temps.

Laurent